6 heures des Sablettes - 1977

LECTURE DU TEMOIGNAGE

Lecture du témoignage complet.

6 heures des Sablettes - 1977

Quatre heures, déjà, que nous tournons autour de ces trois maudites bouées, par ce gros Mistral pourri. Triangle infernal ! Force 5, au moins… il faut tenir… et les jambes commencent à faire rudement mal. Le dériveur en solitaire, c’est l’enfer… je me sens seul, et on ne peut parler qu’à soi-même, en plus, six heures durant !
Arrivé à la bouée de près (je commence à la connaître celle-là, depuis le temps), je me l’enroule, j’abats et c’est parti pour un largue fabuleux vers Maregau, dérive relevée aux 2/3. Ma Yole OK file comme un obus… Au passage, j’entrevois la lumière éclatante du soleil qui fait briller la mer… Super, le planning !… Le gouvernail ronronne de joie en vibrant de plaisir… attention à ne pas mettre le bout de la bôme dans l’eau !
La bouée d’empannage arrive droit devant, à toute vitesse. Va falloir que j’empanne… !
Jean-François Sénard, dit Toto, est devant moi. Dix mètres. Il est fatigué… j’ai du lui prendre un tour, ou c’est lui qui m’en a pris un ! Il engage son empannage au mauvais moment, presque arrêté entre deux vagues courtes au lieu d’attendre la vitesse maxi. La bôme passe sur sa tête, le Mistral couche sa Yole en une seconde… mât en quille. Il s’accroche à sa dérive - il a gardé trop de dérive.
Le torse hors de l’eau, il commente, furieux : "Et, meeeeeeerde !"
"P*tain", je peux pas l’éviter ! Je chavire, moi aussi. Il rigole de me voir grimper tout de suite au vent, sur ce qui me reste de dérive comme un écureuil pressé de rentrer à terre bouffer des noisettes. Je redresse la Yole, les voiles faseyent, à se déchirer : "ça va, Toto ?" Il me rassure au moment où je repars plein pot, en éclatant de rire : "ça va, je prends 5 minutes, c’est sympa ici !"
Deux autres, des 470 (?), s’encadrent en gueulant. La routine… Il finira les Six Heures, notre Toto… p*tain de Mistral… quel régal !
On t’oublie pas, Jean-François !

Signé : Jean Campanella

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